PAYSAGE AVEC SOLEIL COUCHANT

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Description

PAYSAGE  AVEC  SOLEIL  COUCHANT

Au bord des usines abandonnées, en détresse,

Au bord des chantiers fermés que le vent caresse,

Le long des rails vermeils que le soleil rougit,

Le long des rails rouillés qui filent vers l'Infini,

J'erre en écoutant le bruit du train qui passe, 

J'erre en écoutant le bruit de mon coeur qui se casse

A cause d'un chagrin vibratoire et lent,

A cause d'un amour douloureux et puissant :

Une femme-enfant au visage sublime

Dont l'oeil fin coupant entaille et ronge et lime

Mes veines désabusées, mon âme abandonnée

Comme ces usines et comme ces chantiers.

Alors, désespéré, furieux, enragé, 

Dans une douleur amoureuse heureusement piégé,

Je me coupe les veines et me blesse tant 

Que mon sang se mêle au sang du soleil couchant.

Au bord des usines mortes au seuil de la nuit, 

Au bord des chantiers à l'heure oû tout s'évanouit 

J'erre et vagabonde comme une âme qui vole,

J'erre pour assagir mon coeur qui s'affole.

Le long des rails d'or que l'ombre noircit,

Le long des rails au parfum de fin d'après-midi,

Le soir désert et silencieux se pâme,

Le soir solitaire et triste perd l'âme

A cause d'une lumière cruelle et fuyante

A cause d'un astre que l'horizon aimante :

Le Soleil tout frais à la face sublime

Dont l'oeil séduisant coupe et ronge et lime

Mes veines abusées par l'illusion suprême

De l'Amour qui me fait croire que cet oeil que j'aime

N'est autre que le regard indifférent et froid

De la Belle éternelle qui n'existe pas,

Une femme fantôme illuminant les champs

En lieu et place du soleil couchant.

Alors, écroulé, atterré, ravagé, 

Dans le chant crépusculaire des oiseaux plongé,

J'épouse le bitume et soupire tant

Que mon souffle se mêle au grand souffle du vent

Qui inonde les épis de blés dans les champs

Et les bâches défaites des chantiers dormants.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Informatique basique

Trimcev Orion

220, avenue Barthélémy Buyer, bâtiment A,
69009, LYON
0621095009 otrimcev@gmail.com LE CLOWN TRISTE

Dans le bois tricolore de l'automne mûri
Un homme erre, seul, et hume l'air du soir.
Il rit, courbé, et se remémore , heureux,
Sa journée de travail bouclée et biscornue ,
Car, pour vivre, le jour, il et clown de rue.

- "Saltimbanque, intercepte les sous des badauds
Et ton compte en banque est content d'être rempli
Grâce à tes grimaces grimées, creusées
Comme des ornières dans ta joue blanche et bleue"

Mr.Bertrand (c'est le nom du noble mendiant :
Un nom bien banal pour un clown aussi fou)
Mr. Bertrand n'est pas très normal dans sa tête de rat :
L'autre jour, il sautait par dessus un ruisseau
Qui coulait uniquement dans son esprit en feu.
Hier matin, il prit ses jambes à son cou
Pour fuir un danger terrible qui n'existait pas.

Pourtant, il porte un pardessus sérieux,
Un chapeau de bandit dix-neuvième siècle
Et des souliers de roc noir, verni, taillé au silex.

Se amis le voyant harnaché comme un cuistre,
Ses rares amis le croient député libéral,
Sa femme, ses enfants le disent ministre
Et ses parents le pensent professeur de lettres
Assis sur une chaire d'agrégé, en velours,
Enduisant à cor et à cri aux élèves de se taire.

Mais il n'en est rien car cet air de dignitaire,
De faux shah, de roi Lear, de Samson,
Il l'a inventé, il l'a fabriqué, il l'a échafaudé
Avec les bras robustes de sa volonté musclée,
Avec son salaire d'Alpha pris par terre,
Au fond du haut-de-forme renversé sur l'asphalte.

Ayant une inclination infinie pour les magnats,
Mr. Bertrand dresse son dos et se prend pour un dieu roi
Qui n'a qu'un peuple imaginaire tombé à genoux,
Ou, les mains dans les poches, il fume sa pipe
Et lui court après comme pour l'attraper
En écartant jusqu'au bout le compas de ses pas.

Il le sait, résigné, qu'il n'atteindra guère
La Gloire qu'il subtilise dans une incessante guerre
Contre les insectes envahissants de la Misère.
Cependant, il a tout, une famille, une villa
Et rien à envier aux postes les plus beaux
Car le Talent du génie, comme ces paysages superbes
Qui ignorent le pays pauvre les abritant,
Ne regarde pas l'endroit où il atterrit
Et rendrait riche même les gnomes monstrueux
Sans pour autant effacer la détresse sur leurs yeux.

Un clown joyeux , le jour, et triste, la nuit :
Voilà ce que Mr. Bertrand a réussi !
Du haut de ses quarante ans qui ne lui vont pas,
Au soleil, il joue de la guitare dans un parc,
Entouré d'ifs curieux et de demoiselles charmées,
Ou enchaîne, enjoué, dans la rue achalandée,
Ses numéros de cirque qui font mouvoir la foule
De gens fusionnant comme un blob intelligent.

Le soir venu, sous la lune et les étoiles en chœur,
Il pleure, et ses larmes, ces cantiques du cœur,
Détruisent la peinture de sa peau colorée.

Il pleure dans son coude, parlant à la cantonade :
C'est un navire immobile, prisonnier de la rade,
Qui voudrait s'affranchir, dériver vers le large…
C'est un artiste damné, maudit, solitaire,
Piteusement accroché à la marge du Bonheur !

Alors, une nuit, il quitta doucement son lit
Puis alla lentement s'accouder à la fenêtre
Que baignait la noirceur d'une lumière bleutée.
Séléné était belle et traversait le ciel
Noir parsemé de milliers d'étincelles…
Là haut où eussent fleuri en lys épanouis
Les illustres astres d'une Renommée flétrie
Le clown triste jeta un dernier regard
Avant de s'éloigner sans s'être revêtu,
En enjambant la baie, s'appuyant au trumeau,
Vers l'horizon feuillu d'obscurité touffue…

Dans le bois monotone de l'hiver alourdi,
Un homme errait, seul, et humait l'air du soir,
Il sanglotait, courbé, et se rappelait, déprimé,
Toute sa vie passée à n'être qu'un artiste
Sans valeur, sans succès, sans reconnaissance;

Il grimpa un arbre et, sous une branche qui danse,
L'on voit encore son corps que le vent froid balance.

- Saltimbanque, intercepte l'obole des ombres
Et ton chapeau de mort est content d'être rempli
Grâce à tes grimaces figées, creusées
Comme des ornières dans ta joue hâve et dure !